On dit souvent que la souplesse est le fruit d’un travail régulier ; ceci est tout-à-fait juste. Cependant, pour être plus exact : la souplesse dépend aussi de prédispositions corporelles. Certaines personnes peuvent effectuer un grand écart, sans effort ni travail, parce que leur corps le leur permet. D’autres devront travailler dès l’enfance pour l’obtenir et, passée la puberté, devront travailler pour l’entretenir. D’autres, enfin, n’auront pas les capacités anatomiques nécessaires pour atteindre le grand écart.

En effet, la souplesse connaît plusieurs limites : une limite osseuse, une limite ligamentaire et une limite musculaire.
Le développement osseux de chaque personne est différent. Chez certains, la forme des os permet une grande mobilité articulaire et, par conséquent, offre un champ de progression plus vaste en terme de souplesse. C’est le cas, notamment, des personnes dont l’acétabulum au niveau de l’os iliaque (cf schéma dans le dossier « Ce fou de bassin !« ), est très effacé : cela augmente la surface sur laquelle peut rouler la tête du fémur et permet au danseur d’effectuer plus aisément un grand écart.
A partir de la puberté, la forme des os est définitive : ceux-ci se développeront selon le schéma engendré.

Les ligaments, quant à eux, ne peuvent changer de taille : un ligament peut être étiré durant un mouvement mais, tel un élastique, il reprendra ensuite sa forme initiale. C’est aussi le cas de la membrane synoviale, sorte de chaussette unissant les deux extrémités osseuses d’une articulation.


Restent donc les muscles comme seule limite à repousser.

Un muscle est compartimenté en plusieurs faisceaux musculaires. Chaque faisceau est lui même un assemblage de fibres musculaires. Les fibres musculaires sont constituées de myofibrilles. Ces dernières sont des éléments cylindriques faits de sarcomères : de toutes petites unités capables de se contracter.

La tonicité permet à un muscle d’être dans un état de semi-contraction permanente involontaire.
Il existe trois types de tonus : le tonus de repos, le tonus d’attitude ou postural, et le tonus de soutien de la contraction ou tonus d’action.
Le tonus de repos correspond à un état de tension minimum ; il s’agit, par exemple, du tonus des muscles lorsque le sujet est endormi. Le tonus de posture correspond à la contraction du muscle qui permet à une personne de tenir dans une posture. Le tonus d’action permet au muscle d’effectuer un mouvement.
Lorsqu’un muscle est sollicité au travers d’une activité sportive régulière, le nombre de myofibrilles ainsi que le tonus de repos augmentent. Dans ce cas, le muscle devient plus épais et plus court, ce qui limite l’amplitude des mouvements.

Le but des étirements est donc, avant tout, de lutter contre le raccourcissement des muscles pour offrir une plus grande amplitude de mouvements aux articulations.
Pour éviter le raccourcissement des muscles, il est préférable de s’étirer durant ou après l’entraînement sportif : la montée de température aura rendu le muscle plus flexible. En début d’échauffement, des étirements dits « activo-dynamiques » sont donc conseillés. Par exemple, en position debout : lever le genou et le maintenir quelques secondes dans cette position avant de redéposer le pied permettra de contracter rapidement la partie supérieure du quadriceps avant de l’étirer.

Cependant, étirer un muscle lorsqu’il est chaud signifie que l’on ne ressent pas forcément de douleur en cas de mauvaise posture. Il est donc primordial de rester prudent et à l’écoute de son corps.
Il ne faut pas non plus étirer un muscle blessé ou contracturé : cela ne ferait qu’étendre ses lésions.
Les étirements doivent être effectués lors de l’expiration et non dans une inspiration. Une position en décharge de poids sur le sol favorisera un meilleur placement corporel.
D’après certains médecins du sport, des étirements effectués une heure après la fin de l’activité sportive favoriseront une meilleure récupération.

Si les étirements sont effectués après un très léger échauffement et non en fin d’activité, cela ne permet plus de lutter contre le raccourcissement du muscle mais bel et bien de s’assouplir.
Un court échauffement reste primordial pour habituer le muscle au mouvement et éviter les blessures mais l’étirer directement ensuite, en douceur, a pour conséquence de modifier sa forme au repos. Les danseurs effectuent souvent un exercice de jambe sur la barre après seulement une demi-heure de cours, développant ainsi la souplesse de leur dos, de leurs ischio-jambiers ou encore de leurs adducteurs.

Lors d’un étirement, le danseur doit patienter jusqu’au réflexe myotatique inverse. En effet, l’étirement soudain d’un muscle est toujours suivi par une contraction qui raccourcit le muscle, ceci est un réflexe de protection. Lorsqu’il souhaite étirer un muscle le danseur doit patienter vingt à trente secondes en maintenant sa position sans donner d’à-coups : via le système nerveux, une information de sécurité est alors transmise au tendon du muscle et ce dernier finit par se décontracter.

Pour étirer les ischio-jambiers (muscles postérieurs de la jambe), les kinésithérapeutes déconseillent la position assise, jambes tendues, le sujet essayant d’atteindre ses pointes de pieds avec les mains. En effet, cette position peut avoir des conséquences néfastes pour le dos. Il est recommandé de s’étirer à l’aide d’un élastique : allongé sur le sol, les deux jambes repliées, les pieds posés au sol, le danseur placera l’élastique au niveau d’un pied puis développera sa  jambe dans l’expiration, en essayant d’éloigner le pied de ses ischions. Les fesses ne doivent donc pas quitter le sol. Dans l’inspiration, le danseur repliera sa jambe avant d’étirer de nouveau dans l’expiration suivante. Il peut aussi effectuer cet exercice les jambes posées à la verticale contre un mur.

Pour étirer les adducteurs (muscles intérieurs de la cuisse), il est conseillé d’utiliser le mur comme maintien d’une position adéquate du bassin. Allongé sur le sol, les fesses collées contre le mur, les jambes tendues à la verticale, le danseur laissera glisser ses jambes sur les côtés, petit à petit. Après trente secondes dans cette position, il refermera les jambes avec l’aide des mains.
Le danseur peut aussi se placer en position assise contre le mur, les jambes à l’écart et faire doucement rouler son bassin en antéversion (cf schéma dans le dossier « Ce fou de bassin !« ), en s’aidant des mains placées derrière lui. Il doit sentir ses ischions glisser du sol vers le mur, sans entraîner de mouvement du haut de la colonne ; son dos doit rester bien droit.

Le psoas est un muscle qui traverse plusieurs articulations : les lombaires et l’articulation de la hanche. En danse, il est très souvent sollicité pour les levers de jambes. S’il est trop tendu, des douleurs risquent d’apparaître au niveau du bas du dos et autour des hanches. Pour l’étirer, le danseur peut se placer en position de fente, le genou de devant bien aligné avec la cheville. Il déposera ensuite son second genou sur le sol et poussera le bassin en avant en enroulant le coccyx, sentant alors un étirement au niveau de l’aine.

Pour des personnes débutant la danse ou un autre sport nécessitant des étirements pour gagner en souplesse, il est conseillé de s’étirer avec l’aide d’un professionnel, afin de ne pas risquer d’endommager les muscles au travers de mauvaises postures.

Comme évoqué précédemment, une grande laxité n’est pas toujours un avantage et peut se révéler être un fardeau si la personne n’a pas appris à la contrôler : les risques de blessures sont plus élevés. Parfois, une hyperlaxité résulte même d’une maladie. C’est le cas de la contorsionniste considérée comme la plus souple du monde, Julia Günthel alias Zlata, atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos. Cette maladie génétique rare touche le collagène, une protéine abondante dans le corps humain qui confère aux tissus une résistance à l’étirement. Ce syndrome se manifeste par une hyper-mobilité au niveau des articulations et une hyper-élasticité de la peau.

Julia Günthel, alias Zlata

Zoom sur les méthodes Pilates, Feldenkrais et Mézières

La méthode Pilates fut inventée par Joseph Hubertus Pilates durant la Première Guerre Mondiale. Né en 1880 en Allemagne, Monsieur Pilates imagina des exercices permettant de reconstruire la musculature et de prévenir les fatigues musculaires liées à l’immobilisation. Emigré aux Etats-Unis en 1926, il développa sa méthode, alors appelée la Contrology puis ouvrit son premier studio à New York. Georges Balanchine et Martha Graham incitèrent rapidement leurs danseurs à effectuer des formations auprès de Monsieur Pilates. Importée en France par le danseur Jerome Andrews, dans les années 50, le Pilates s’est peu à peu détaché de sa seule fonction rééducative.
Cette méthode nécessitant une forte concentration ainsi qu’une bonne respiration renforce et allonge les muscles, assouplit les articulations et corrige les déséquilibres. Une utilisation alternée de machines et de travaux au sol permet de travailler sur l’ensemble du corps en partant de son centre et d’un renforcement de la ceinture abdominale.

Joseph Pilates

Né en 1904, physicien et pionnier du Judo en France dans les années 30, Moshe Feldenkrais, souffrant d’un genou blessé mit rapidement au point une technique basée sur la répétition de gestes simples et agréables, après avoir observé des enfants découvrant chaque mouvement de leur corps. Centrée sur la perception et les sensations, cette méthode permet d’évoluer des gestes simples vers des mouvements beaucoup plus amples.
Au travers de ce travail, les tensions musculaires disparaissent, permettant au danseur de découvrir tout son potentiel corporel.

Moshe Feldenkrais

Elaborée par Françoise Mézières, kinésithérapeute née en 1909 au Vietnam, la méthode Mézières est une technique de rééducation posturale, développée dès 1947, visant à relâcher les tensions musculaires et à corriger les déviations de la colonne vertébrale. En libérant les noeuds et en dénouant les contractures musculaires, c’est toute la chaîne musculaire qui se réorganise.  A l’aide de postures et de la respiration (très importante dans ce travail), le kinésithérapeute méziériste va chercher à étirer les muscles et non à les fortifier.

Françoise Mézières

Quelle que soit la méthode employée, une bonne écoute du corps est incontournable pour effectuer des étirements efficaces et en toute sécurité.

A voir

Sources :

Magazine Danser n°=269
« Gym douce, 88 exercices pour rester en forme à tout âge »
Auteur : Virginie Strobbe
Editions Marie Claire
Sites internet : www.maxisciences.com
www.maladie-vasculaires-rares.fr
www.feldenkrais.org
www.medecinedusportconseil.com
www.conseilsport.decathlon.fr