A votre tour !
Né en 1207 et mort en 1273, le grand poète mystique Mevlânâ Celaleddin Rûmi fut le grand initiateur du tournoiement des Derviches Tourneurs. Selon la légende, il serait passé un jour devant un bazar où l’on battait de l’or. Pris d’une forte émotion, emporté par le rythme et le son cristallin de l’or battu, Mevlânâ se serait mis à tourner dans un mouvement d’élévation. Depuis sept siècles, ses disciples, majoritairement originaires de Turquie et d’Iran, entrent en communion avec le Bien-Aimé à travers les tours. Lors des cérémonies, les Derviches, vêtus d’une longue tunique blanche et d’une toque cylindrique en poil de chameau, pivotent sur la pointe des premiers orteils du pied gauche en traçant un cercle autour de la piste en plusieurs périodes de dix à trente minutes. Au son du ney (flûte à roseau avec un bec de hautbois) et sur fond de percussions (tambour sur cadre appelé daf), accompagnés de chants religieux, les rotations des derviches se font de plus en plus rapides jusqu’à ce qu’ils entrent dans un état de transe et d’extase mystique.
D’un point de vue purement anatomique et physique, comment expliquer l’état de transe des Derviches Tourneurs ou la sensation d’ivresse des danseurs lorsqu’ils multiplient les tours ?
Pour comprendre cela, il faut s’intéresser au mécanisme de l’oreille interne.
Le labyrinthe de l’oreille interne est constitué de plusieurs parties : la cochlée, le vestibule lui-même composé de l’utricule et du saccule, trois canaux semi-circulaires, deux aqueducs, et le nerf auditif. La cochlée est dédiée au système de l’audition. Le vestibule, partie centrale du labyrinthe intercalée entre le conduit auditif interne et le tympan, sert pour l’équilibre.
Pour schématiser : quatre mille cellules ciliées sont contenues dans des zones de l’utricule et du saccule appelées macules. Ces cils sont plantés dans une substance gélatineuse qui bouge en fonction des mouvements de la tête. Ainsi, si la tête penche, les cils penchent aussi et l’information est transmise au cerveau. Ceci explique pourquoi, afin d’éviter d’avoir trop rapidement le tournis, le danseur doit garder un point fixe à hauteur du regard lorsqu’il tourne. Puisqu’il ne lâche pas ce point du regard, la tête part en dernier et arrive en premier. Par ce mouvement de rotation très rapide de la tête, le mouvement de la substance gélatineuse est limité, les cils bougent peu et aucune information de déséquilibre n’est transmise au cerveau.
L’élan d’un tour est le plus souvent donné par les bras. Ceux-ci étant le prolongement du dos, les muscles de ce dernier sont fortement sollicités.
Les muscles permettant une rotation homolatérale aux niveaux lombaire et dorsal sont l’oblique interne, le longissimus, et l’ilio-costal. Ils sont notamment utilisés pour un tour en-dedans.
Les muscles permettant une rotation controlatérale, aux mêmes niveaux, sont l’oblique externe, le transverse épineux et le psoas. En Danse Jazz en particulier, les chaînes de muscles croisées sont très utilisées. Souvent, un mouvement de rotation se fait au niveau de la projection du nombril dans le dos et précède le tour : lorsque cette rotation se défait, l’élan du tour est engendré.
L’élan peut être aussi donné par la jambe, et par extension, par le bassin. C’est le cas dans un tour fouetté.
La masse musculaire constitue en moyenne 35% de la masse d’un homme contre 28% chez la femme. Sachant que l’activité musculaire est à l’origine des dépenses d’énergie durant un effort, la femme a ainsi une moins grande capacité à produire de l’énergie et donc moins de force et d’endurance. Ceci peut expliquer pourquoi les hommes tournent et sautent plus que les femmes. Dans les ballets classiques, si les ballerines se démarquent sur les pointes, les danseurs démontrent leur agilité lorsqu’ils tournent et s’élancent.
Zoom sur les différents types de tours
Tours sur un pied : le plus connu est la pirouette. En Danse Classique comme dans les autres types de danses, celle-ci s’effectue sur un pied, en-dehors ou en-dedans. Dans une pirouette en-dehors, le danseur tourne dans le sens de la jambe en retiré. Dans une pirouette en-dedans, il tourne dans le sens inverse de la jambe en retiré. En revanche, la position de la jambe en retiré peut varier suivant le style de danse : en Danse Classique, la jambe vient se placer en-dehors, la hanche est en ouverture au niveau de l’aine et le genou, dans son prolongement, est orienté vers le côté. En Danse Jazz, le retiré se fait en parallèle : le genou est dirigé vers l’avant. Le tour s’effectue sur demi ou quart de pointe, la pose du talon permettant d’arrêter le tour. En Danse Jazz, la pirouette peut s’effectuer aussi bien sur une jambe de terre tendue que sur une jambe de terre pliée.

La pirouette en Danse Classique
Il existe d’autres tours sur un pied communs à la Danse Classique et à la Danse Jazz tels que le tour arabesque (la jambe en l’air est développée vers l’arrière), le tour attitude (la jambe en l’air est légèrement fléchie en avant, sur le côté ou en arrière), le tour à la seconde (la jambe en l’air est développée sur le côté) ou encore le tour fouetté (l’élan est donné par le développement d’une jambe en l’air allié à l’ouverture de la hanche).
En Danse Jazz, on compte aussi le compass-turn (la pointe du pied dessine une cercle sur le sol telle le crayon d’un compas, autour de l’axe de la jambe de terre), le drag-turn (le pied traîne au sol), le pencil-turn (les deux jambes sont serrées et allongées, un pied en flexion sans contact avec le sol) ou encore le barrel-turn (telle une hélice d’avion, les bras du danseur sont développés sur les côtés, le corps penché en avant, l’axe du sommet du crâne passer à travers le miroir. Le point fixe se trouve sur le sol).
Tours sur deux pieds : ceux-ci s’effectuent aussi sur demi ou quart de pointe. Dans un détourné, l a jambe libre se pose derrière la jambe de terre pour engager le tour. Dans un enveloppé, la jambe de derrière vient s’enrouler autour de celle de devant. Dans un pivot, il s’agit d’un demi-tour autour : une jambe effectuant un pas, autour de la jambe de terre.
Tours en déplacement : les déboulés sont les premiers tours qui viennent à l’esprit lorsqu’il s’agit d’un déplacement. S’ils s’effectuent sur deux jambes bien allongées en Danse Classique, en Danse Jazz ils peuvent aussi être exécutés sur jambes pliées. Le maintien du point fixe est primordial pour ne pas zig-zaguer. Les jambes doivent être serrées au maximum par la contraction des muscles de l’intérieur de la cuisse : les adducteurs.
De grandes diagonales ou des manèges de piqués en tournant ponctuent souvent la fin des cours de Danse Classique. Par un transfert du poids du corps sur une jambe tendue, hissé sur demi-pointe, le danseur évolue en redescendant de sa demi-pointe à chaque pas.
Les pas de bourrée effectués en tournant permettent aussi de se déplacer. Reconnaissables par les trois mêmes transferts de poids que dans un pas de bourrée sans tourner, ils sont souvent effectuer avec une grande amplitude afin de dévorer l’espace.
Tours en l’air : le tour du même nom pourrait être décrit comme un pas chassé sauté en tournant. L’élan est donné par les bras et par extension par le dos ; les jambes sont resserrées au maximum dans le saut effectué en tournant.
En Danse Classique, le saut de basque, exécuté avec l’enveloppé d’une jambe motrice permet aussi de sauter en l’air. Dans de grands ballets tels que Casse-Noisette ou encore Ivanohé, il n’est pas rare d’admirer les danseurs effectuant des manèges de grands jetés en tournant. En Danse Jazz, le barrel-jump, dérivé du barrel-turn, permet de sauter tout en effectuant un tour le buste parallèle au sol.
A voir
Sources :
« Enseigner la danse jazz »
Auteurs : Odile Cougoule avec Daniel Housset et Patricia Karagozian
Edition Cahier de pédagogie Centre National de la danse
Site internet lequipe.fr
Site internet meditationfrance.com
Site internet oreillemudry.ch