Les comédies musicales américaines
Dès 1825 naissent les Minstrel Shows, des spectacles mêlant théâtre, chant et danse, dans lesquels apparaissent des comédiens blancs maquillés pour apparaître comme des acteurs noirs. Ce genre de spectacle, mettant souvent en scène Jim Crow, un personnage puéril et naïf, vêtu de haillons, content de son sort et passant sa vie à chanter, et Zip Coon, un homme ignorant mais prétentieux, outrageusement vêtu, culmine entre 1850 et 1870. Peu à peu des acteurs noirs finissent par incarner les personnages, permettant à certains tels que Bessie Smith ou encore Ernest Hogan d’accéder à la notoriété.
A partir de 1870 se développent aussi les Vaudevilles. Comme en France, ces spectacles reposent sur une intrigue pleine de rebondissements et mêlent de nouveau chant et danse, ainsi que gags et jongleries. Ils s’adressent à la fois aux classes populaires et aux classes aisées.
Tony Pastor, agent artistique et chanteur comique, ancien Minstrel, ouvre son propre théâtre de variété en 1865 à New York. En 1881, il fonde le Théâtre de la Quatorzième Rue, considéré comme le premier théâtre de Vaudeville pour tout public.
Les Vaudevilles sont marqués par l’individualisme et l’ambition personnelle : chaque artiste signe un contrat pour son propre numéro. Dès le premier quart du XXème siècle, ils servent de tremplin vers Broadway et Hollywood. Des Vaudevilles seront issus des artistes tels que Charlie Chaplin, Buster Keaton, les Marx Brothers ou encore Al Jolson.

Charlie Chaplin, comédien de la troupe de vaudeville de Fred Karno
A noter, néanmoins, qu’il est plus difficile pour un artiste noir de se faire une place. Pourtant, les Vaudevilles introduisent des chorus lines (danses d’ensemble) de jeunes femmes noires, grande nouveauté à l’époque, et mettent en avant le cakewalk, cette danse créée par les esclaves noirs de Virginie pour imiter avec ironie l’attitude de leurs maîtres se rendant au bal.
Grâce aux Vaudevilles, la technique des claquettes évolue rapidement. Aux environs de 1910, les chaussures à semelles de bois sont remplacées par des chaussures ferrées. On s’éloigne peu à peu des pas de gigue pour développer un travail du corps dans son ensemble. On assimile des pas et des sauts issus des danses vernaculaires.
A l’orée du XXème siècle se développent aussi les Extravaganzas. Ces spectacles somptueux, à la machinerie et aux effets complexes, sont dotés d’un scénario, à la différence des Vaudevilles. A la fois sérieux et populaires, ils mêlent théâtre et opéra, danse classique et numéros de « girls ». The Black Crook est la première extravaganza à succès, créée en 1866.
Tandis qu’est montée la première extravaganza noire, Black America, en 1894, la Revue fait son apparition à New-York. Dès 1907, cette dernière s’institutionnalise avec Florenz Ziegfeld, un producteur et agent artistique à l’origine des Ziegfeld Follies qui perdureront jusqu’en 1931. Ces revues, aux moyens luxueux, sont les cousines américaines des Folies Bergères. Elles regroupent plusieurs formes d’expression: chansons, dialogues, danse et cirque, articulées autour d’un même thème. Elles sont conçues à la gloire de la beauté féminine, pour étonner le spectateur et émouvoir ses sens. Les décors sont gigantesques, les costumes brillants, l’exotisme et la fantaisie dominent, la nudité est suggérée.

Florenz Ziegfeld

Les Ziegfeld Follies en 1912
En 1914, une vingtaine de cabarets ouvre à New-York. Ils sont considérés comme des lieux de divertissement et de loisir « acceptables ».
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, c’est l’effervescence des spectacles noirs : la danseuse Josephine Baker, et le danseur de claquettes Bill « Bojangles » Robinson gagnent en visibilité. En 1921, Shuffle Along est le premier spectacle noir à tourner avec succès dans les théâtres blancs. Ce spectacle provoque un énorme engouement pour les claquettes ainsi que pour les danses d’origine afro-américaines telles que le charleston ou le lindy hop. Durant l’ensemble des années 20, plus de 200 pièces de théâtre et comédies musicales sont prodruite à Broadway.

Josephine Baker dansant le charleston

Bill « Bojangles » Robinson
La revue Blackbirds de 1930 est le dernier grand spectacle du genre. Suite au krach boursier de 1929, les théâtres ferment les uns après les autres, et les revues doivent faire face à la lassitude des critiques et du public.
Il faut attendre 1935 pour que Fred Astaire et Ginger Rogers créent, à l’écran, un nouveau style de danse qui remportera l’adhésion du public.
Cependant, c’est en 1944 que naît la comédie musicale telle que nous la connaissons aujourd’hui. Avec On The Town, le chorégraphe Jerome Robbins et le compositeur Leonard Bernstein en établissent les règles. Le chant et la danse tiennent compte du caractère des personnages. La danse est parfois même alliée à des dialogues. La chorus line existe encore mais est toujours justifiée et peut être entrecoupée de solos ou de duos. De leur collaboration naît aussi West Side Story, en 1957.

« On The Town », photographie de Matt Ross
Aujourd’hui, de nombreuses comédies musicales américaines sont encore produites à Broadway, telles que Cats ou The Lion King. Mais si certaines comédies sont adaptées du cinéma à la scène : 42nd Street, Mary Poppins, An American in Paris et Singin’ in the rain, beaucoup ont été adaptées de la scène au cinéma. L’occasion, si l’on ne dispose pas d’un billet d’avion pour New-York et d’une place à Broadway, de revoir inlassablement ces classiques qui mettent de bonne humeur !
Zoom sur Kiss Me Kate
Chorégraphiée par Hanya Holm sur une musique de Cole Porter mêlant jazz et pastiches virtuoses de valse viennoise, cette comédie musicale américaine, écrite par Samuel et Bella Spewack, met en scène « une pièce dans la pièce ».
En 1948, au Théâtre de Baltimore, des acteurs répètent une adaptation musicale de La mégère apprivoisée. Les deux rôles principaux sont interprétés par Fred Graham et son ex-femme Lilli Vanessi. Lois Lane, petite amie de Fred s’intéresse à Bill Calhoun, autre comédien de la pièce, tandis que Lilli jalouse Lois, étant toujours amoureuse de Fred, bien que fiancée à un autre.
Cette comédie musicale américaine hilarante, basée sur un va-et-vient continu entre la réalité et l’adaptation de la pièce de Shakespeare, a reçu trois Tony Award en 1949. Bob Fosse, a ensuite participé en tant que chorégraphe et danseur à son adaptation cinématographique en 1953. Aujourd’hui, le Théâtre du Châtelet accueille cette comédie musicale sur scène, pour notre plus grand plaisir !
A voir
Josephine Baker dancing the original charleston
Final de spectacle façon Ziegfeld Follies, en 1929
Extrait de West Side Story – America
Final du film A Chorus Line de 1985
Répétition de On The Town aujourd’hui
Extrait du film Kiss Me Kate – It’s too darn hot
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Sources
« Histoire de la Danse Jazz » Auteur : Eliane Seguin, éditions Chiron
Site internet du Théâtre du Châtelet www.theatre-chatelet.com
Wikipedia