La Danse Classique
Temps Danse Asnières vous propose de découvrir les grandes les étapes qui ont permis à la Danse Classique d’évoluer vers ce que nous connaissons aujourd’hui.
Aux origines, le Ballet de Cour…
– 1571 : Création de l’Académie de musique et de poésie sous le patronage du roi Charles IX. Les « spectacles à l’italienne » s’y développent : la danse y est l’instrument privilégié des fêtes à la gloire des princes.
– 15 octobre 1581 : Ballet comique de la reine, spectacle de Balthazar de Beaujoyeulx, donné au Louvre pour le mariage du duc de Joyeuse. Symbole du ballet de Cour, interprété par des courtisans : chant, musique, danse, déclamation et décors concourent à l’illustration d’un récit.
– 1588 : publication de L’Orchésographie de Thoinot Arbeau, traité majeur décrivant les pas des danses de caractère et des danses de cour du XVème et du XVIème siècle. Un sens du mouvement entièrement nouveau apparaît : la dignité du courtisan est mise en valeur. Sauts et jetés disparaissent tandis que le calme, la plénitude et le lié deviennent les valeurs principales.
Vers le Ballet classique…
– 1651 : première apparition sur scène de Louis XIV, à l’âge de 13 ans dans Cassandre. Doué, entraîné quotidiennement, il fait très vite de la danse l’instrument original de son pouvoir.
– 1653 : premier triomphe de Louis XIV dans Le Ballet de la nuit, emblème du Roi-Soleil.
– 1661 : fondation de L’Académie royale de danse. Elle est constituée de treize membres, sous la responsabilité de Pierre Beauchamp, maître à danser du roi, chargé d’en fixer les règles. L’influence italienne est rejetée au profit de l’ordre, de la mesure et de la clarté, à la gloire du Roi.
– 1669 : Raoul Feuillet propose la première notation chorégraphique. Elle consiste en la description schématique des pas, de la direction de la marche et de la succession des figures. Rien n’est indiqué sur les mouvements des bras et du haut du corps.
Peu à peu, la danse glisse de la Cour vers les scènes de théâtre. La même année, la première scène de danse théâtrale, ancêtre en quelque sorte de l’Opéra de Paris, est ouverte par l’abbé Perrin, à qui Louis XIV a concédé le privilège d’une « Académie d’opéra en musique et verbe français ».
– 1670 : Louis XIV renonce à paraître dans les ballets de cour, condamnant définitivement le genre à disparaître.
– 1673 : Lully rachète le privilège de l’Académie d’opéra en musique et verbe français. Il met au point un genre d’opéra nouveau dans lequel il introduit le ballet. Les nobles ne paraissent pas sur une scène de théâtre : la professionnalisation du ballet est par conséquent acquise.
La danse est désormais considérée comme un divertissement, indépendante de l’action ; elle se concentre sur le développement de la technique.
– 1681 : ouverture aux femmes de ce que l’on nomme désormais l’Opéra de Paris.
Le renforcement de la troupe de danseurs et l’adoption de la « scène à l’italienne » (penchée vers le public) amènent Beauchamp à peaufiner les règles de son art. Il met au point un système de mouvements visant à une danse abstraite, fondé sur la position « en dehors ». Cette dernière permet de dégager la jambe, de sauter et de tourner dans toutes les directions avec vitesse et aplomb ; elle favorise les déplacements latéraux, valorisant ainsi les artifices de la perspective appliquée à la scène à l’italienne.
En passant par le Ballet d’action…
– 1760 : publication des Lettres sur la danse de Jean Georges Noverre, maître de ballet. Ce dernier clame la capacité de son art, parvenu à un haut niveau de technicité, à être le véhicule de la narration. Sans renier la technique, il préconise à cette fin le retour à un certain naturel contre la virtuosité gratuite.
Vers le Ballet romantique…
– 1787 : Pierre Gardel prend la direction de la danse à l’Opéra, il y règnera durant quarante ans.
Le début du XIXème siècle marque l’âge d’or de la danse masculine, notamment avec Auguste Vestris, dont plusieurs élèves – Jules Perrot, Auguste Bournonville, Marius Petipa – occupent une place de choix dans l’histoire du ballet. Les danseuses, de leur côté, jusque-là cantonnées dans des mouvements étroits, et infiniment moins virtuoses que leurs partenaires masculins, commencent à travailler l’élévation (les sauts) et les parcours dans l’espace.
– 1813 : Mlle Gosselin se tient en équilibre sur la pointe du pied, première esquisse de ce qui va devenir la marque de la danse classique.
– 12 mars 1832 : La Sylphide (livret d’Adolphe Nourrit, musique de Jean Schneitzhoeffer, chorégraphie de Philippe Taglioni). Inspiré du conte fantastique de Charles Nodier Trilby, ce ballet met en scène un jeune homme tiraillé entre son amour pour une fiancée bien réelle et son attirance pour une fille de l’air visible de lui seul. Tous les ingrédients du ballet romantique sont présents : les machineries qui emportent les sylphides dans les airs, les costumes d’Eugène Lami dont les juponnages gonflants préfigurent le tutu, et un vocabulaire chorégraphique suggérant l’élévation par la prolifération de sissonnes, d’arabesques et de grands jetés. On remarquera surtout l’utilisation des chaussons à pointe, jusqu’ici simples objets de curiosité, qui prennent pour la première fois leur véritable fonction.
– 28 juin 1841 : Giselle (chorégraphie de Jules Perrot et Jean Coralli, musique d’Adolphe Adam). Ballet marquant l’apogée du Ballet Romantique.
Au triomphe de l’académisme de Petipa
– 1857 : Marius Petipa, danseur et chorégraphe français, devient maître de ballet au Théâtre impérial Mariinski (aujourd’hui le Kirov) à Saint-Pétersbourg. Il y règnera soixante ans, durant lesquels il développera, à travers une cinquantaine d’ouvrages, le ballet académique. Il va composer des figures de danse d’une beauté formelle et d’une virtuosité extrêmes. Il compose de véritables machines à danser, puisant tout particulièrement dans les contes de fées.
– 1890 : création de La Belle au bois dormant
– 1892 : création de Casse-Noisette
– 1895 : création du Lac des cygnes
Pour ces trois œuvres marquantes, Petipa a collaboré avec le compositeur Piotr Ilitch Tchaïkovski. Aujourd’hui, elles font partie du répertoire le plus courant des compagnies classiques.
Les Ballets russes de Diaghilev
– 9 mai 1909 : le mécène Serge Diaghilev emmène la troupe du Mariinski danser Cléopâtre, Le Festin, Le Pavillon D’Armide, Les Danses polovtsiennes, du chorégraphe Michel Fokine, à Paris. Les étoiles sorties des rangs de la troupe, portent des noms aujourd’hui encore prestigieux : Pavlova, Karsavina, Nijinski. Ils sont jeunes, armés d’une technique éblouissante, et l’esprit nouveau de leur danse, le dynamisme des environnements scéniques conçus non plus par des décorateurs mais par des peintres de renom (Léon Bakst, Alexandre Benois, Nicolas Roerich) déchaînent l’enthousiasme.
– 1910 : Présentation, à Paris de nouveau, de L’Oiseau de feu, Carnaval, Schéhérazade, s’y révèle le compositeur Igor Stravinski.
– 29 mai 1912 : Nijinski crée sa première chorégraphie, L’après-midi d’un faune, d’après le poème de Mallarmé. Il compose des mouvements inspirés des fresques grecques et égyptiennes, où les personnages sont représentés de profil. Le public, désorienté par cette œuvre qui ne s’appuie sur aucun conte ou anecdote, où Nijinski, dans le rôle-titre, exécute à peine un saut, est choqué par l’image finale du Faune se masturbant sur l’écharpe de la Nymphe enfuie et par la sensualité explicitement érotique dégagée par le personnage. L’après-midi d’un faune suscite le premier grand scandale de Nijinski.
– 29 mai 1913 : Le Sacre du printemps, nouvelle chorégraphie de Nijinski sur une musique de Stravinski, provoque une levée de boucliers restée unique dans les annales du Théâtre des Champs-Elysées. Tout en suivant une partition musicale très complexe, Nijinski rejette les cinq positions fondamentales de la danse classique ; il exige des mouvements angulaires cassés, brisant l’axe vertical du corps et renonçant à la qualité de lié qui faisait tout le brio des danseuses ; il ramasse le corps vers le sol, rejetant la règle d’élévation chère à la technique classique ; les pointes sont tournées en dedans. Refusé par le public, honni par les danseurs, Le Sacre pèsera sur la troupe. Il ne connaîtra que huit représentations et restera oublié jusqu’en 1955, époque où le directeur de la compagnie américaine du Joffrey Ballet, décidera de le remonter.
– 13 juin 1913 : Nijinski émeut néanmoins dans Petrouchka (chorégraphie de Fokine, musique de Stravinski, décors de Benois), créé au théâtre du Châtelet.
– Fin 1913 : Léonide Massine succède à Fokine à la tête des Ballets russes.
– 18 Mai 1917 : Création de Parade (chorégraphie de Massine) au théâtre du Châtelet, qui rassemble Cocteau, Erik Satie et Picasso. Ce ballet fait date et scandale, et marque grâce à la rencontre entre ces artistes de génie. Petit à petit, les Ballets russes, privés des grands talents autrefois fournis par l’école du Mariinski, voient se réduire la place de la danse dans les nouvelles créations.
Durant quelques années, Diaghilev s’étant brouillé avec Massine, Nijinska (sœur de Nijinski) prend la place de ce dernier. Mais Massine revient, bientôt suivi par un nouveau talent, dernier des transfuges du Kirov : George Balanchine.
– 1927 : création de La chatte, de Georges Balanchine. On y remarque le jeune Serge Lifar.
– 1929 : deux créations de Balanchine ouvrent la porte au surréalisme et à l’expressionnisme : Le Bal et Le Fils prodigue.
L’après Ballets russes…
La même année, Diaghilev meurt soudainement à Venise. Après quelques errances à Copenhague et Monte-Carlo, et un rendez-vous manqué à l’Opéra de Paris, Balanchine partira outre-Atlantique donner libre cours à son talent. Lifar, lui, est engagé à l’Opéra de Paris comme directeur du ballet. Il va assez rapidement redonner à la troupe nationale une discipline, relever l’exigence technique, rénover, élargir le répertoire.
– 1935 : création du ballet sans musique Icare. Lifar y revendique une position d’auteur pour le chorégraphe, mise en valeur dans son Manifeste du chorégraphe.
– 1943 : Suite en blanc (musique d’Edouard Lalo, chorégraphie de Serge Lifar) est une anthologie des pas d’école, destinée à illustrer la qualité des étoiles que Lifar a su former. Il y utilise les nouvelles positions (la sixième : pieds serrés parallèlement l’un contre l’autre, et la septième : toujours parallèles mais sur pointes et les genoux fléchis) qu’il a mises au point, ainsi que des arabesques, dégagés, développés sortis de leur axe vertical.
Les conceptions de Lifar constituent le point de départ de ce que l’on appelle aujourd’hui le néo-classicisme ; ses théories sont un mélange de conservatisme et d’innovation. Tout en redonnant à la troupe de l’Opéra un niveau professionnel indiscutable, on peut dire que Lifar y a conforté un esprit conservateur qui a pesé longtemps sur toutes les tentatives de rénovation et d’ouverture sur le monde contemporain.
Le Néoclassicisme…
– 1945 : Création de la troupe Les Ballets des Champs-Elysées par Roland Petit (chorégraphe attitré) et Jeannine Charrat. La première production Rendez-vous, rassemble Cosma et Prévert ; des photographies de Brassaï constituent le décor. Les danseuses de Roland Petit sont grandes et élancées, et ont la nuque allongée.
– 1946 : Le jeune homme et la mort, dansé par Jean Babilée et Nathalie Philippart, sur une chorégraphie de Roland Petit. Cocteau y reprend le thème de la mort et de l’amour. Roland Petit invente une gestuelle acrobatique, des sauts et des chutes au ralenti. Cette chorégraphie est encore considérée comme l’un des chefs d’œuvre de Petit.
– 1948 : Roland Petit fonde sa propre compagnie : Les Ballets de Paris. La troupe des Champs-Elysées est reprise en main par Boris Kochno et dirigée par Jean Robin. Cette dernière disparaîtra en 1952.
– 1949 : Création de Carmen par Petit. Zizi Jeanmaire, son épouse, en est l’héroïne.
– 1952 : Passé par New York, Roland Petit est séduit par la comédie musicale américaine. Il tente de l’adapter en France, notamment à travers des œuvres telles que La croqueuse de diamants, dans laquelle Zizi Jeanmaire tient de nouveau le rôle titre.
Installé, en 1972, à Marseille, directeur de la troupe néoclassique la plus importante en France après celle de l’Opéra de Paris, et à partir de 1992 d’une Ecole nationale, Roland Petit continuera de produire des œuvres toujours bien agencées mais qui n’apporteront rien de particulièrement nouveau au ballet classique. Très apprécié à l’étranger, en Italie surtout, il peut être considéré comme l’héritier de Lifar. Il est aussi, avec Maurice Béjart, le seul chorégraphe français qui ait su rivaliser avec les néoclassiques anglo-saxons.
– 30 août 1955 : le Marseillais Maurice Béjart, brièvement passé chez Roland Petit crée Symphonie pour un homme seul (musique de Pierre Schaeffer et Pierre Henry). Le choix de la musique concrète balaie les repères habituels de la danse. Elle permet à Béjart d’élaborer un style chorégraphique totalement personnel et d’atteindre un public différent, exclu de la tradition classique séculaire.
– 1956 : création de Haut Voltage
– 1957 : Sonate à trois (inspirée du Huis clos de Sartre) et Le Teck
Un petit public s’emballe devant ces trois œuvres, d’autres les renâclent.
– 1959 : Suite aux critiques négatives, Béjart part à Bruxelles créer Le Sacre du Printemps.
– 1960 : fondation des Ballets du XXème siècle ; ils demeureront à Bruxelles jusqu’en 1987. La même année, il crée le ballet Boléro sur la musique de Maurice Ravel.
– 1966 : La danse entre pour la première fois dans la cité des papes d’Avignon. Jean Vilar y invite en effet Béjart pour présenter son Roméo et Juliette et sa Messe pour le temps présent.
– 1970 : création de l’école Mudra. Béjart souhaite que les danseurs aient accès à une formation sur tous les arts, sur des formes de danse multiples. Sortiront de cette école des chorégraphes de danse contemporaine tels que : Dominique Bagouet, Maguy Marin, Anna Teresa de Keersmaeker.
– 1971 : Nijinski, clown de Dieu, Ballet qui évoque les Ballets Russes, interprété par le danseur fétiche de Béjart : Jorge Donn. Ce dernier est un exemple du physique athlétique des danseurs de Béjart : il est musclé, planté dans le sol sur des jambes pliées, le dos cambré, la poitrine en avant, le quadriceps saillant. De la danseuse, le chorégraphe attend une virtuosité extrême.
– 1987 : Béjart dissout le Ballet du XXème siècle et quitte Bruxelles pour Lausanne. Il y recrée une troupe, le Béjart Ballet Lausanne, puis une école, l’Ecole-Atelier Rudra (1992).
Conclusion
Ce parcours historique n’est qu’un aperçu de ce qui fonda la danse classique telle que nous la connaissons aujourd’hui. En effet, il serait nécessaire d’étudier encore chaque influence perçue à la fin du XXème et au XXIème siècles, des personnalités telles que Rudolf Noureev (directeur de la danse de l’Opéra de Paris de 1982 à 1989) ayant encore laissé leur empreinte.
Bien qu’âgée de plus de 400 ans, la danse classique est toujours en mouvement…
Sources
« La danse au XXe siècle » d’Isabelle Ginot et Marcelle Michel. Editions Larousse, 2004