En Décembre 2014, Christine Mélot, directrice du Studio Harmonic de Paris, déclarait pour le magazine Vanity Fair que la part des femmes présentes dans les différents cours était de 80% tandis que celle des hommes ne représentait que 20%.

En particulier en Danse Classique, tout professeur peut en effet constater une plus grande pratique féminine que masculine.

Quelles raisons pourraient expliquer une telle marge ?

En remontant aux origines de la Danse Classique, il est amusant d’observer que la Danse était une discipline réservée aux hommes.

Dans leur ouvrage La Danse au XXème siècle , Isabelle Ginot et Marcelle Michel rapportent que dans l’Italie des XIVème et XVème siècles, la Danse est l’instrument privilégié des fêtes ou triomphes à la gloire des princes.

En France, Charles VIII et François Ier introduisent ces spectacles à l’italienne qui s’affinent sous l’influence de l’Académie de musique et de poésie créée en 1571.

Quand le futur roi Louis XIV fait sa première apparition sur scène dans Cassandre, en 1651, il est âgé de treize ans et soumis, comme bon nombre de courtisans, à un entraînement quotidien.

La Danse s’affirme de plus en plus comme un outil de pouvoir. Symbole d’une élégance, elle est utilisée dans des spectacles à la gloire du Roi.

L’Académie Royale de Danse est fondée en 1661. Elle est composée de treize membres, sous la responsabilité de Pierre Beauchamp, maître à danser du roi.

Pierre Beauchamp

La Danse glisse ensuite de la Cour vers les scènes de théâtre: la première scène de danse théâtrale est ouverte en 1669 et devient active en 1673 lorsque Lully, spécialiste des danses bouffonnes et directeur de la musique du roi, en rachète le privilège. Les nobles n’apparaissant pas sur une scène de théâtre, Isabelle Ginot et Marcelle Michel indiquent dans leur ouvrage que la professionnalisation du ballet est désormais acquise.

Lully

Cependant, cette professionnalisation reste masculine. Il faut attendre 1681 pour que la troupe s’ouvre aux femmes.

L’apparition de la paire de pointes, au XIXème siècle,  provoque un large essor de la Danse Classique féminine. Le public est en admiration devant cette technique qui donne l’impression que la danseuse flotte au-dessus de la scène. Le rôle du danseur tend peu à peu à ne devenir qu’un soutien de la partenaire féminine. Le danseur met cette dernière en valeur.

Cependant à la fin du XIXème siècle, Marius Petipa, danseur et chorégraphe français émigré en Russie, fixe la constitution du « pas de deux » (séquence d’un ballet constitué d’un adage, d’une variation masculine et féminine, et d’une coda) : celui-ci permet de remettre en avant les prouesses du danseur.

Directeur de la Danse de l’Opéra de Paris dans les années 80, Rudolf Noureev perpétue cet héritage en revisitant les créations des Ballets Russes et en y introduisant des soli réservés aux hommes.

Parallèlement à tout cela, la Danse Moderne et la Danse Contemporaine se développent, attribuant une place égale au corps féminin et au corps masculin.

Carnets de Tel Aviv par Sabine Huynh

Malgré tout, aujourd’hui encore, la Danse reste une discipline majoritairement féminine. Dans les danses à deux, elle est un atout de séduction pour l’homme qui en maîtrise les techniques. Pourtant la Danse Classique, elle, a encore du mal à se répandre en milieu masculin. Des raisons purement économiques, sociales et culturelles peuvent expliquer cet héritage historique: la Danse nécessite un équipement et des locaux qu’une pratique occasionnelle du football, par exemple, ne nécessite pas. Une certaine image du corps féminin, mince et élancé, a longtemps été véhiculée, beaucoup plus que pour les hommes. Or la Danse Classique permet d’entretenir un corps souple et solide ; le maintien qu’elle implique apporte de l’élégance. Le développement de la technique des pointes, qui a donné à la Danse Classique ses lettres de noblesse, a aussi mis en avant les qualités de légèreté et de grâce propres à cette discipline, des qualités trop souvent alliées à la féminité. Dans un article de Janvier 2014 dédié aux stéréotypes filles-garçons, le site du Huffington Post va jusqu’à parler d’un « soupçon de défaillance de la virilité » lorsque les garçons choisissent un sport tel que la Danse. Les sports favorisant la force et la compétition sont plus facilement associés aux hommes. Pourtant, n’importe quel danseur pourra affirmer que l’aspect compétitif est bien présent dans le milieu de la Danse.

Cependant, et heureusement, on assiste peu à peu à une nouvelle reconnaissance des prouesses corporelles propres aux hommes : ces dernières sont largement mises en avant dans des danses telles que le Hip-Hop et reviennent sur le devant de la scène en Danse Classique.

Morphologiquement parlant, les hommes ont de plus grandes capacités pour sauter et tourner.

Elèves de l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris

Cours d’Eric Camillo à l’Ecole de l’Opéra de Paris

Les danseurs classiques, fortement musclés afin d’exécuter ces mouvements ainsi que les portés, font aussi preuve d’une extrême souplesse.

Daniil Simkin

Quant au port de pointes réservé aux femmes, si effectivement cela reste globalement le cas, beaucoup de danseurs se sont prêtés au jeu, notamment sous la direction de Mats Ek ou encore de Philippe Lafeuille. Impossible, ici, de ne pas citer les Chicos Mambo dirigés par ce dernier et leur Tutu produit l’année dernière en France.

Enfin, dans son article intitulé « Les hommes mènent la danse », le magazine Vanity Fair révèle aussi un point intéressant : si les hommes sont minoritaires dans la pratique de la Danse, ils sont en revanche majoritaires à la tête des compagnies subventionnées et des institutions.

Alors en 2017, balayons tous les clichés et entrons TOUS dans la Danse à tous les échelons !

Zoom sur The Bad Boys Of Dance

C’est après ses débuts à Broadway en 2005, dans la comédie musicale « Movin’ Out », que Rasta Thomas fonde la Compagnie Bad Boys of Dance.

A bientôt 36 ans, ce jeune danseur chorégraphe, né à San Francisco, ne manque pas de ressources. Titulaire de nombreux prix et médailles obtenus dans des concours internationaux, il crée le spectacle Rock The Ballet à l’occasion du 75ème anniversaire du Jacob’s Pillow Festival de New York.

Ce spectacle remporte un franc succès. Aux côtés des Pretty Girls of Dance, les Bad Boys of Dance se font remarquer par leur virtuosité. Dans des chorégraphies mêlant Danse Classique et Danse Jazz ou encore Hip-Hop, Claquettes, Acrobaties et Arts Martiaux, les danseurs procurent aux spectateurs un excellent plein de vitalité.

A voir

Sources
« La danse au XXe siècle »
auteurs : Isabelle Ginot et Marcelle Michel, éditions : Larousse 
Site internet du Huffington Post
Site internet de Vanity Fair
Wikipedia